Des experts incitent à « décommoditiser » le café et le cacao

 Des experts incitent à « décommoditiser » le café et le cacao

Lorenzo Cafaro-Pixabay

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Tout est lié… Ce concept de plus en plus véhiculé a été, une fois de plus, mis sur le devant de la scène à Yaoundé, lors de la conférence scientifique sur l’adaptation de la cacaoculture et caféiculture aux changements climatiques qui s’est tenue début juin au Cameroun, organisée par le Conseil interprofessionnel cacao et café (CICC).

« Les questions environnementales sont fondamentales, nul ne saurait le nier. Celle de la rémunération décente du producteur ne l’est pas moins et des réponses adéquates doivent lui être apportées », a déclaré le ministre du Commerce du Cameroun, Luc Magloire Atangana. « De mon point de vue, les travaux de la conférence de Yaoundé laisseraient un goût d’inachevé s’ils n’intégraient pas la préoccupation du prix, mieux encore de la rémunération décente du producteur comme pendant des autres questions : climat, déforestation, durabilité, etc. […] Voici ce que je nomme, en résumé, le double appel de Yaoundé : climat, oui ; rémunération, assurément. »

« On n’échappera pas à la discussion sur les prix », convient Michel Arrion, directeur exécutif de l’Organisation internationale du cacao (ICCO), se faisant l’écho d’Aly Touré, porte-parole des pays producteurs de café de l’Organisation internationale (OIC). « On a perdu les trois quarts du prix du cacao en 40 ans : de $ 10 000 dans les années 80, on est maintenant à $ 2 500 environ. […] Sur $ 100 milliards générés par la filière cacao au niveau mondial, les pays producteurs n’en perçoivent que 5 ou 6%. Or, le petit producteur ne peut pas être le maillon faible de la filière », déclare celui qui est également le représentant permanent de la Côte d’Ivoire auprès des organisations internationales de produits de base. Les prix au producteur sont calqués sur les cours mondiaux. Je lance un appel pour demander aux marchés de faire un effort. Les pays producteurs de cacao n’ont que 15% du chiffre d’affaires de la chaîne », a dénoncé Aly Touré de la tribune à Yaoundé.

La solution ? « Décommoditiser », affirme Michel Arrion. « Un kilo de cacao n’équivaut pas à un autre kilo de cacao. Chaque cacao a sa valeur. Il est nécessaire de développer des cacaos d’origine. Il faut même aller plus loin et identifier, par exemple au Cameroun, telle ou telle origine de cacao, selon ses origines géographiques, ces segmentations de marché. Le consommateur ne va plus aller acheter du chocolat mais du chocolat de telle ou telle origine comme on achète du vin de telle ou telle origine. »

Mais comment « décommoditiser » des produits de base côtés sur les marchés à terme depuis la nuit des temps ? Car les marchés à terme agissent comme garant du commerce mondial mais aussi des prix garantis au producteur dans de nombreux pays dont la Côte d’Ivoire et le Ghana, est-il souvent rappelé.

Pour Alex Assanvo, secrétaire exécutif de l’Initiative cacao Côte d’Ivoire Ghana (CIGCI), « on ne peut continuer à vendre notre cacao basé sur des algorithmes ; nous devons vendre notre cacao sur la base de sa valeur. Sa valeur qui correspond au coût de production, au coût de conformité, au revenu minimum vital qu’un planteur doit avoir. C’est ça la décommoditisation. » Des discussions seraient engagées avec l’InterContinental Exchange pour réviser les contrats à terme afin que les coûts de production -notamment le revenu minimum décent- soient intégrés dans les contrats.

Pour le patron de l’OIC, « décommoditiser » implique que la Côte d’Ivoire et le Ghana négocient avec leurs gros clients des contrats à long terme et que ces gros acheteurs aient ensuite se couvrir sur les marchés à terme de Londres et de New York. « Aujourd’hui, on voit des contrats commerciaux prendre comme prix de référence les futures. Moi, je préférerais que les futur prennent comme point de référence les contrats commerciaux. »

CommodAfrica publiera une série d’interviews sur cette thématique dans ces prochaines éditions.

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