Le spectre du sucre à 4,78 cents, comme en 1999

 Le spectre du sucre à 4,78 cents, comme en 1999
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L’Inde deviendrait premier producteur mondial du sucre l’année prochaine, détrônant le Brésil qui occupe cette place sans discontinuer depuis les années 90. Michael McDougall, vice président senior des ventes chez ED&F Man estime que l’Inde produira 35 millions de tonnes de sucre durant la campagne 2018/19, qui démarre en octobre, contre 30 Mt au Brésil. Ce dernier devrait, en effet, enregistrer une chute de 10 Mt par rapport à 2017/18.

En cause ? Le choix de l’éthanol par rapport au sucre des raffineries brésiliennes de canne, notamment face à la hausse des prix du carburant et la faiblesse des cours mondiaux du sucre, mais aussi la baisse des rendements de la canne suite à une baisse des investissements.  

L’Inde, elle, n’a pas ce choix car les raffineries ont une faible capacité de production de biocarburants. D’où le casse-tête de trouver des marchés non seulement pour les quelque 10 Mt de production excédentaire attendue en 2018/19, mais aussi pour les 10 Mt qui se trouvent dans les entrepôts, selon la Sugar Mills Association. L’Inde se trouvera, donc, à la tête de quelque… 45 Mt de sucre !

Face à cela, la consommation nationale indienne de sucre s’élève à environ 25-25,5 Mt. Certes, les exportations brésiliennes vont se contracter, de quelque 9 Mt, estime Julio Maria Borges, de Job Economia, interrogé par Reuters, et donc sa part de marché va se réduire. Mais l’Inde doit faire face aussi à la Thaïlande, jusqu’à maintenant deuxième exportateur mondial derrière le Brésil.

L’Afrique résistera-t-elle ?

Cette situation a conduit la filière en Inde à demander à son gouvernement de rendre obligatoire l’exportation de 7 Mt de sucre cette prochaine campagne. Une politique qui, toutefois, n’a pas remporté un franc succès cette année alors qu’elle était sur des volumes beaucoup plus limités. En effet, en mars, le gouvernement avait ordonné aux raffineries d’exporter 2 Mt de sucre avec un quota pour chaque raffinerie. Toutefois, elles n’en auraient vendu que 500 000 t, tout simplement parce que le prix du sucre sur le marché local indien est beaucoup plus intéressant que les cours mondiaux, en complète déroute. L’équation est simple : sur le marché indien, les raffineries vendent leur sucre à $ 430 la tonne contre, grosso modo, $ 330 sur le marché mondial.  Même avec des pénalités, elles s’en  sortent mieux.

Autre conséquence, l’Inde produit du sucre blanc mais d’une qualité qui a des difficultés à concurrencer des origines plus belles sur le marché mondial, explique B.B. Thombare, directeur général de Natural Sugar & Allied Industries, à Reuters. On peut, par conséquent, s’attendre à ce que des raffineries en Inde se tournent davantage vers le roux qui trouvera plus facilement preneur à l’international. Or, rappelons que le prix du roux est au plus bas depuis 10 ans, à 10,87 cents la livre (lire nos chroniques Matières premières) et l’arrivée de volumes indiens importants le fera chuter encore davantage, sans doute en dessous du seuil psychologique des 10 cents la livre avec toute la ribambelle de conséquences en cascades, notamment du côté des mouvements spéculatifs. En avril 1999, le sucre roux était tombé à … 4,78 cents la livre.

Des perspectives qui ne sont pas de bon augure pour l’Afrique, du moins pour les pays africains qui produisent du sucre. Plus que jamais il faudra alors, pour sauver les filières nationales, que els Etats s’engagent fortement auprès de leurs producteurs, comme le disait à CommodAfrica Benoit Coquelet, directeur général du groupe Somdiaa (lire nos informations).

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