La Chronique Matières premières agricoles au 3 novembre 2022

 La Chronique Matières premières agricoles au 3 novembre 2022
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Ces deux derniers jours, les annonces jugées restrictives du président de la Réserve fédérale américaine (Fed) ont provoqué une forte remontée des rendements obligataires et du dollar, ce qui a fait chuter les marchés des actions outre-Atlantique mais aussi en Europe et dans de nombreuses autres places financières. Ainsi, après la quatrième hausse de taux de trois quarts de point décidée par la Fed, son président, Jerome Powell, a déclaré mercredi que le pic des taux d’intérêt serait probablement plus élevé que ce que les membres de la banque centrale américaine avaient estimé en septembre, jugeant une pause dans le resserrement monétaire “très prématurée”, rapporte Reuters. Cette déclaration a provoqué une aversion généralisée aux risques sur les marchés financiers.

En Europe, les investisseurs avaient aujourd’hui les yeux rivés sur les chiffres définitifs de l’activité des services en zone euro en octobre alors que les commandes à l’industrie en Allemagne ont enregistré en septembre une contraction nettement plus importante que prévu, de 4%.

Sur le marché des devises, la livre a baissé hier de 1,8% face au billet vert, à son plus bas niveau depuis deux semaines, après l’avertissement de la Banque d’Angleterre selon laquelle l’économie britannique pourrait être exposée à une longue récession. L’euro a terminé à $ 0,9757.

Les cours du pétrole ont clôturé hier soir dans le rouge avec la vive progression du dollar et les craintes de ralentissement de la demande en cas de récession économique. Le baril de Brent était à $ 95,37 le baril et le brut léger américain (WTI) à $ 88,86.

CACAOCAFÉCAOUTCHOUC COTONHUILE DE PALME RIZ  – SUCRE

CACAO

La fève rebondit sur fond de guerre frontale entre les pays producteurs d’Afrique de l’Ouest et les grands industriels et multinationales du cacao et chocolat …. A Londres, la faiblesse de la livre sterling a encouragé les acheteurs, faisant grimper la tonne de fèves de £ 1 861 vendredi dernier à £ 1 952 hier soir sur l’échéance mars. Si le marché de New York a chuté hier de $ 7, la tonne de cacao aura tout de même connu une belle ascension sur la période sous revue, passant de $ 2 319 en fin de semaine dernière à $ 2 372 hier sur l’échéance décembre.

Sur la scène mondiale du cacao, c’est donc l’affrontement. Le Conseil du café et du cacao (CCC) en Côte d’Ivoire a annoncé que tous les acheteurs de cacao devront avoir régularisé le paiement de leur différentiel de revenu décent (DRD) de $ 400 la tonne d’ici le 20 novembre, rapporte Reuters. Ceci fait suite à ce que les multinationales du cacao traînent les pieds sur le DRD et les nouveaux différentiels d’origine positifs, affirmant qu’il n’est pas viable de payer autant pour le cacao dans un contexte d’offre excédentaire faisant baisser les prix sur le marché mondial. Rappelons qu’en juillet, le CCC a fixé ce différentiel d’origine à zéro pour août contre -£ 125 la tonne en juillet. Pour sa part, le Cocobod l’a relevé à £ 20 la tonne en août contre -£ 50 en juillet (Lire : La Côte d’Ivoire et le Ghana somment l’industrie du cacao de payer). Selon une source du CCC, s’ils ne s’acquittent pas du paiement tant du DRD que de la prime pays, les acheteurs ne seront plus autorisés à accéder aux plantations de cacao pour compter les cabosses, ce qui est une information fondamentale clé pour prédire la taille des rendements des cacaoyers.

Une campagne qui démarre plus que lentement chez le numéro un mondial. Au 30 octobre, soit sur l’ensemble du premier mois de la campagne 2022/23, les arrivages aux ports de San Pedro et d’Abidjan ont chuté de 21% par rapport à octobre 2021, à 295 000 t, estiment les exportateurs. Côté champs, il devrait moins pleuvoir, estime le prévisionniste Climate-42, et ceci n’aurait rien d’inquiétant a priori car les sols sont bien humides après les précipitations au-dessus de la moyenne ces derniers mois.

Côté entreprise, le géant Barry Callebaut a annoncé cette semaine la baisse de 6,1% de son résultat net alors que son chiffre d’affaires a grimpé de 12,3%. Pour le chocolat, tout va bien pour le leader mondial avec une progression de 5,9% de ses ventes sur ce segment (Lire : Moindres performances de Barry Callebaut en 2021/22). Ceci dit, le suisse demeure confiant : le ralentissement économique mondial ne devrait pas impacter la demande en chocolat.

Toujours chez Barry Callebaut, il a été annoncé mercredi le départ en fin d’année pour des raisons personnelles de son directeur général, Olivier Delaunay, qui sera remplacé à partir du 1er janvier par Jo Thys.

CAFÉ

Triste semaine pour les cafés… Hier, en cours de séance à Londres, le Robusta a touché son prix le plus bas en 15 mois, à $ 1 814 la tonne pour se ressaisir et clôturer à $ 1 842 sur l’échéance janvier ; il était à $ 1 873 vendredi dernier. Quant à l’Arabica, il n’a guère fait mieux, passant de $ 1,7560 la livre (lb) sur l’échéance décembre en fin de semaine dernière à $ 1,6835 hier soir sur l’échéance mars. Il est proche des $ 1,6595 enregistrés la semaine dernière ce qui était son niveau le plus bas en 15 mois aussi. Les fonds d’investissements détiennent maintenant une position courte ce qui, certes, réduit les liquidations de positions, mais témoignent d’un avenir plutôt morose quant aux prix.

Un Robusta qui subit le tout début de la récolte au Vietnam et la perspective de voir les volumes affluer prochainement alors que la demande est terne.  « La récolte a déjà démarré dans certaines régions mais doucement. Les acheteurs devront encore attendre au moins trois semaines de plus pour un approvisionnement abondant en grains de café », a expliqué un trader vietnamien à Reuters. Certains estiment que la production cette campagne serait moindre que la précédente, mais sans fournir d’estimations chiffrées.

Selon les statistiques nationales, les exportations de café du Vietnam ont augmenté de 10,6% sur les dix premiers mois de l’année pour atteindre 1,4 Mt ou encore 23 millions de sacs de 60 kg (Ms). Ses recettes ont, quant à elles, bondi de 33,4% à $ 3,3 milliards.

L’Indonésie, quant à elle, aurait exporté 53 268 t de Robusta en septembre, soit plus du double par rapport à il y a un an. Actuellement, il n’y a quasiment plus de volumes à l’export.

Côté Arabica, c’est l’amélioration des perspectives de récolte au Brésil mais aussi l’anticipation d’une hausse des stocks certifiés de la bourse de New York qui plombent le café : l’Arabica a perdu 11% de sa valeur sur la seule semaine dernière. En outre -facteur déstabilisant, pour la deuxième année consécutive, les caféiculteurs brésiliens font défaut sur leurs contrats, refusant de livrer du café aux prix négociés. Les maisons de négoce se voient dans une position très délicate car cela les expose à de lourdes pertes.

CAOUTCHOUC

Le marché du caoutchouc s’est légèrement apprécié cette semaine écourtée, l’Osaka Exchange étant fermé jeudi, enregistrant un gain d’environ 1,5%. Les cours sur l’Osaka Exchange ont clôturé aujourd’hui à 213,5 yens ($1,44) contre 210,4 yens vendredi dernier. Sur le marché de Shanghai, partis de 11 835 yuans la tonne, les cours ont atteint aujourd’hui 12 285 yuans ($1 695). Mais, pèsent toujours sur le marché le ralentissement économique mondial ainsi que les restrictions liées au Covid cher le premier consommateur  mondial de caoutchouc, la Chine. Les cas de Covid-19 en Chine ont atteint leur plus haut niveau en deux mois et demi jeudi, atténuant les espoirs d’un assouplissement des freins qui frappent la deuxième économie mondiale.

Tant au Japon qu’en Chine, la production manufacturière s’est inscrite en baisse au mois de septembre. Pour la première fois en quatre mois, elle a chuté au Japon, l’industrie étant toujours en prise à la hausse des coûts des matières première et au ralentissement économique mondial. L’activité des usines chinoises s’est aussi contractée de manière inattendue en octobre, affectée par le ralentissement de la demande mondiale et les restrictions nationales strictes liées au Covid-19. “La confiance du marché est en baisse alors que la contraction de l’activité des usines chinoises met en évidence les effets négatifs des restrictions liées au Covid », indique un négociant basé à Singapour. En outre, souligne Farah Miller, PDG d’Helixtap Technologies, « le yuan par rapport au dollar américain était le plus élevé depuis plus d’une décennie, ce qui signifie qu’en tant qu’importateur net, le pouvoir d’achat de la Chine est affaibli“.

Côté entreprises, le constructeur chinois de véhicules électriques Nio Inc a annoncé mercredi avoir suspendu sa production en raison des restrictions liées au Covid  tandis  que Toyota Motor Corp a publié mardi une baisse de 25 % de son bénéfice trimestriel et a réduit son objectif de production annuelle, alors que la société japonaise lutte contre la flambée des coûts des matériaux et une pénurie persistante de semi-conducteurs.

COTON

Sursaut du coton dont les cours se sont propulsés hier à 83 cents la livre du l’ICE contre 72,11 cents vendredi dernier, mettant fin à une plusieurs séances de baisse, l’or blanc ayant  cédé près de 16% au mois d’octobre. Une reprise impulsée en partie par les fixations des usines qui ont profité de la faiblesse des prix. Mais aussi suite au rapport hebdomadaire du département américain de l’Agriculture (USDA) montrant une hausse des ventes américaines de coton qui ont presque triplé avec la Chine représentant près des 2/3 des achats. Cependant la chute du marché du coton depuis plusieurs semaines est alimentée par la baisse de la demande et ce fondamental demeure.

Difficile de savoir dans quelle direction  va aller le marché, indiquait Mambo dans son dernier rapport. « Les mauvaises perspectives économiques, l’inflation, la récession auront-elles raison des prix du coton pour les entrainer vers ses plus bas ? (Pour mémoire la COVID avait enfoncé les prix en deçà de 50 USC/Lb.) C’est possible mais peu probable. Pour autant les prix peuvent-ils retrouver les niveaux de la saison passée soit près de 150USC/Lb c’est également envisageable mais peu vraisemblable.

Alors peut être trouverons nous une voie médiane, dans tous les cas c’est ce que semblent penser nombre de filateurs qui ont profité de la faiblesse des cours pour fixer les prix des contrats indexés sur le marché à termes de New York. Les industriels sont inquiets d’un rebond qui prendrait en compte l’état de la faible production américaine, principale boussole du ICE ».

HUILE DE PALME

Net rebond du marché de l’huile de palme, qui a gagné plus de 11% cette semaine. Partis de 3 987 ringgits la tonne vendredi denier sur la Bursa Malaysia Derivatives Exchange, ils ont atteint hier 4 435 ringgits ($935,06). Un rebond impulsé par le redressement des huiles alimentaires, en particulier l’huile de soja, la crise ukrainienne avec dans un premier temps le retrait de la Russie d’un accord d’exportation de la mer Noire, mais aussi les inondations prévues dans les régions productrices de palmiers. Il faut ajouter le facteur monétaire, le ringgit se négociant face au dollar autour de son plus bas niveau depuis 1998, ce qui rend l’huile de palme moins chère pour les acheteurs étrangers, ainsi, que la politique indonésienne (voir ci-dessous).

Lors de la Conférence indonésienne sur l’huile de palme à Bali, Thomas Mielke, directeur du cabinet d’analystes basé à Hambourg Oil World, a estimé que ces dernières années la production d’huile de palme était sur une tendance baissière ce qui est à ses yeux « alarmant ». Sur 2022, il table sur une production de 78,3 millions de tonnes (Mt) et pour celle de soja en 2022/23 de 390 Mt.  Quant à James Fry, président du cabinet de conseil en matières premières LMC International, il a estimée que les prix de l’huile de palme franco à bord dans les ports indonésiens de Sumatra pourraient passer de $940 à $920 la tonne, et si l’Indonésie mettait en œuvre son mandat de biodiesel B40 en janvier, les prix pourraient atteindre $1 080 la tonne en juin.

L’Indonésie a prolongé sa politique de suppression d’une taxe sur les exportations d’huile de palme jusqu’à la fin de cette année, à moins que le prix de référence de l’huile de palme ne dépasse $800 la tonne. En outre, lors de la Conférence indonésienne sur l’huile de palme à Bali, Airlangga Hartarto, ministre chargé de la Coordination des affaires économiques, a déclaré que des prix plus élevés du pétrole brut rendaient de plus en plus possible un mélange plus élevé de bio-contenu dans le carburant, qui a actuellement un mélange obligatoire de 30 % d’huile de palme dans le biodiesel. L’Indonésie procède actuellement à un essai routier de biodiesel contenant 40 % d’huile de palme (B40). Eddy Abdurrachman, directeur général du fonds d’huile de palme BPDPKS, a déclaré que la consommation de carburant à base d’huile de palme pourrait augmenter à 15 millions de kilolitres (KL) par an lorsque le B40 sera introduit, une augmentation par rapport aux 11,15 millions de KL qui devraient être consommés cette année dans le cadre du mandat B30.

En Malaisie, les exportations malaisiennes d’huile de palme en octobre ont augmenté de 5,5% pour atteindre 1, 477 million de tonnes (Mt), selon  la SGS mais de 11,7% selon  AmSpec Agri Malaysia  à 1, 474 Mt.

RIZ

Situation contrastée en Asie avec des prix en baisse en Inde mais globalement inchangés en Thaïlande et au Vietnam.

En Inde, les prix du riz étuvé 5% ont chuté à un plus bas niveau de deux mois à $370-$375 la tonne contre $375-$384 la semaine dernière avec la baisse de la roupie et une  demande plus faible des acheteurs africains alors que l’offre de la récolte de la nouvelle saison augmente. Toutefois, de fortes pluies au début du mois ont endommagé le riz juste avant la récolte dans les principaux États producteurs tels que l’Uttar Pradesh, le Bengale occidental et l’Andhra Pradesh.

L’Inde a déclaré qu’elle autoriserait l’expédition à l’étranger de cargaisons de riz blanc et brun garanties par des lettres de crédit émises avant le 9 septembre, une mesure qui soulage les exportateurs aux prises avec de nouvelles restrictions gouvernementales (Lire : L’Inde restreint ses exportations de riz avec effet immédiat). Le gouvernement a également déclaré dans son avis publié lundi qu’il autoriserait l’exportation de 600 000 tonnes de riz non moulu vers le Népal. New Delhi a autorisé le mois dernier l’exportation de 397 267 tonnes de brisures de riz.

En Thaïlande, les prix du Thaï 5 % sont en très légère hausse à $405-$410 la tonne contre $405 la semaine dernière. La demande est calme tandis que l’approvisionnement est stable.

Au Vietnam, les prix du Viet 5 % sont inchangés à $425-$430 la tonne. Les négociants ont déclaré que les prix intérieurs augmentaient en raison de l’offre limitée, tandis que les exportateurs augmentaient leurs achats auprès des agriculteurs pour remplir leurs contrats d’exportation. “Le dong a chuté cette année de 8% par rapport au dollar, encourageant les exportateurs à augmenter leurs ventes“, a déclaré à Reuters un négociant basé à Ho Chi Minh-Ville.

Le Myanmar a exporté plus de 136 205 tonnes de riz en octobre, en hausse de 20,58% par rapport à la même période de l’année dernière, selon la Fédération du riz du Myanmar (MRF). Le pays a également exporté 26 983 tonnes de brisures de riz en octobre, contre 103 417,5 tonnes de brisures de riz à la même période l’an dernier. La Chine est restée le premier acheteur de riz du Myanmar avec une part de 37,5% de la quantité totale du pays.

Au cours des sept premiers mois de 2022/23, qui a débuté en avril, le pays d’Asie du Sud-Est a exporté plus de 680 557 tonnes de riz. En raison de la pandémie du Covid-19, la majeure partie de son riz et de ses brisures a été expédiée par voie maritime.

SUCRE

Le sucre s’offre une petite hausse tout en ayant eu les yeux rivés ces derniers jours sur les élections au Brésil. Parti de 17,64 cents la livre (lb) vendredi dernier, le sucre roux a terminé hier soir à New York à 18,47 cents sur l’échéance mars, tandis que le blanc à Londres grimpait de $ 515,80 à $ 535,90 sur décembre.

Ceci dit, l’ambiance n’y est pas ! Les perspectives moroses de l’économie mondiale ne sont pas de bon augure pour la demande en sucre. Ainsi, la Chine, deuxième consommateur mondial de sucre derrière l’Inde, devrait enregistrer en 2022 sa plus faible utilisation de sucre en neuf ans, le spécialiste Czarnikow l’estimant à moins de 15 Mt. En effet, les mesures pour combattre la Covid-19 ont considérablement restreint les mouvements des personnes et donc les réunions festives durant lesquelles on consomme beaucoup de friandises. Il faut remonter à 2013 pour retrouver un volume si faible. De ce fait, les importations chinoises ne devraient être que de 4,47 Mt cette année, leur plus bas depuis 2019 et Czarnikow estime qu’elles seront encore plus faibles en 2023, à environ 4 Mt car les stocks demeurent élevés.

Au Brésil, les producteurs regardaient beaucoup du côté du ciel ces derniers jours, non pas tant pour en appeler de leurs vœux leurs candidats au poste de chef de l’Etat, mais plutôt pour constater qu’il allait faire sec ces prochains jours ce qui aidera aux travaux de récolte. Car il reste encore un volume significatif de canne à couper dans les champs. Sur les routes au Brésil, la police a eu fort à faire ces derniers jours pour démanteler des blocages érigés par les routiers sympathisants de Jair Bolsonaro qui acceptent mal sa défaite.

Le Brésil qui a enregistré en octobre un véritable bond des exportations de sucre qui ont atteint 3,75 Mt contre 2,31 Mt en octobre 2021.

Le marché était aussi en attente, cette semaine, de l’annonce par l’Inde de ses quotas d’exportation pour la nouvelle campagne qui a démarré le 1er octobre.

A noter que Cuba -qui fut, à une époque, un grand acteur sur la scène mondiale du sucre- démarre sa campagne sucrière et projette de produire 455 000 t de sucre, ce qui est une belle évolution mais toujours un volume insuffisant pour redevenir exportateur.

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