L’autosuffisance en riz du Sénégal repoussée de deux ans. Mais est-ce réel ?

 L’autosuffisance en riz du Sénégal repoussée de deux ans. Mais est-ce réel ?
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Le Sénégal vient de repousser de deux ans son objectif d’atteindre l’autosuffisance en riz, de 2017 à 2019, a annoncé lundi le président Macky Sall.

L’objectif en matière de production de riz reste à 1,6 million de tonnes de paddy pour atteindre l’autosuffisance en riz. Je suis convaincu qu’avec le Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (PRACAS II) et les nouvelles formulations, nous devrions y arriver” , a dit le chef de l’Etat. La production cette année serait de 1,1 Mt de riz paddy, selon Macky Sall, le ministre de l’Agriculture la semaine dernière ayant évoqué très précisément 1 0156 340 t (lire nos informations), les deux se félicitant du doublement des rendements.

L’élément curieux, explique à CommodAfrica Patricio Mendez del Villar, spécialiste du riz au Cirad, est l’addition des chiffres. “Les importations de riz blanchi au Sénégal sont d’environ 1,1 million de tonnes (Mt), à quoi il faut ajouter 1,1 Mt de production nationale de paddy, soit 660 000 kg de riz blanchi. Ceci donne une disponibilité nationale totale d’environ 1,7 Mt, soit quelque 100 kg par habitant par an, l’équivalent de ce qui est consommé en Asie qui, eux, en mangent trois fois par jour. Au Sénégal, on ne mange pas du riz trois fois par jour”, calcule le chercheur, auteur de la lettre d’information Osiriz.

Comment expliquer cela ? Soit par des méventes, c’est-à-dire qu’on produit sans pouvoir l’écouler sur le marché, soit les chiffres ne sont pas réels. On retrouve ce problème au niveau de l’Afrique de l’Ouest en général où la production augmente mais les importations ralentissent depuis deux ans mais ne diminuent pas vraiment : on importe toujours quelque 10 Mt par an.

Et le chercheur de s’interroger sur l’impact réel de cette politique de substitution d’importation. Certes, l’impact est positif sur la balance commerciale mais quid de la filière ? Le riz importé est plus facilement entreposé que le riz produit localement, la qualité est plus homogène donc souvent préférée par les consommateurs. Sans parler du prix. En outre, une politique très focalisée sur le riz laisse quelque peu de côté d’autres filières agricoles tout aussi importantes. De là à dire qu’il est plus aisé pour le politique de communiquer sur le seul objectif riz par rapport à l’ensemble des filières, il n’y a qu’un pas.

Qu’en est-il du Nigeria qui s’exprime également énormément sur cette filière riz, mettant en avant une volonté et des politiques protectionnistes ? Le Nigeria a augmenté de 100% ses taxes à l’importation de riz. Ses importations directes officielles ont donc, mécaniquement, baissé mais ses importations officieuses du Bénin ont progressé, rappelle le chercheur. “Maintenant, le Bénin est le premier client de la Thaïlande  avec déjà plus d’un million de tonnes importées de janvier à novembre. De cela, 400 000 à 450 000 t vont à sa consommation nationale et le reste part au Nigeria et dans une moindre mesure au Niger”, explique Patricio Mendez del Villar.

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