Le coton conventionnel, sans identité, est condamné

 Le coton conventionnel, sans identité, est condamné
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La production de coton augmente mais la consommation ne devrait guère suivre ce qui pose la question de la survie du coton à terme. Une survie qui, aujourd'hui, en Afrique, passe nécessairement par l'adoption par le producteur des standards du "Better Cotton" (lire nos informations), standards plus souple que le "Cotton Made In Africa", ce qui devrait faciliter son adoption. Mais, en tout état de cause, le coton standard est condamné, explique le consultant international et expert cotonnier Gérald Estur dans un entretien exclusif à CommodAfrica.

Quelle est votre lecture de l'évolution du marché mondial du coton sur 2016 et 2017 ?

La campagne 2016/17 a été plutôt globalement bonne mais notamment par rapport à 2015/16 qui avait été très mauvaise, affectée par des phénomènes climatiques importants : la production en 2015/16 a été la plus faible de ces dernières 12 à 13 années et les rendements les plus bas depuis 10 ans. Combinant les 2, on est tombé à 21 millions de tonnes (Mt). On remonte doucement vers les 24 Mt. Mais on ne remontera certainement pas vers le pic des 28 Mt enregistré il y a quelques années car le coton n'est guère compétitif face à son concurrent, le polyester, dont les prix sont très bas compte tenu de la surcapacité de production en Chine.

On retrouve actuellement, mais pas à la même échelle et au même paroxysme, le phénomène de 2011 : le problème de la soudure entre les deux récoltes. La récolte a un petit peu augmenté par rapport à l'année précédente, mais demeure à des niveaux relativement bas, et il n'y a plus de coton sur certaines qualités de l'hémisphère nord alors que la récolte de l'hémisphère sud n'est pas encore arrivée. Ceci pousse les prix à des niveaux non loin des 90 cents pour l'indice A Cotlook, ce qui historiquement est relativement élevé.

Mais cela ne va pas durer car, comme toujours, avec ces prix relativement élevés, on prévoit une augmentation de la production sur la prochaine campagne. Ce qu'anticipe le marché à terme qui prévoit environ 5 cents entre les cotations de l'indice A Cotlook pour la fin de la campagne 2016/17 et les cotations pour la prochaine campagne 2017/18. Cela reste normal ; ce n'est pas une chute considérable. Mais, bien évidemment, tout dépendra de la climatologie.

Côté consommation de coton, elle n'augmentera pas. On va rester aux alentours des 24 Mt. Ce qui pose un certain nombre de questions : comment le coton va-t-il survivre ? Car, en 20 ans, la part du coton dans les fibres textiles a été divisée par deux : on est passé de 50% à 25%. La consommation par tête n'augmente pas ; elle a même plutôt tendance à diminuer alors que dans le même temps la consommation de fibres synthétiques a été multipliée par cinq.

Donc, y a-t-il encore une place pour le coton ? Oui, sans doute, je pense. Mais ma conviction c'est que le coton conventionnel, c'est-à-dire qui n'a pas d'identité, est condamné.

C'est-à-dire ?

Le coton conventionnel, qui n'a pas d'identité, qui n'est pas traçable, qui n'est pas durable ou qui n'est pas perçu comme durable, n'a plus guère de place sur le marché. Les cotons, aujourd'hui, doivent avoir une identité. Et celui qui s'en sort le mieux, c'est le "Better Cotton" . Il est  perçu comme ayant toutes les vertus. C'est un succès marketing extraordinaire qui joue sur le double sens de "better".

La "Better Cotton Initiative" est née en 2009, de ce que le coton était accusé de tous les maux – assèchement de la mer d'Aral, 25% des pesticides, suicide des paysans indiens, travail des enfants, etc. Ce sont les Américains qui ont déclaré qu'il fallait faire quelque chose pour  redonner une vertu au coton.

Ce "Better Cotton"  est, en réalité, un engagement à  "faire mieux" : réduire la quantité de pesticides, mieux utiliser l'eau, avoir des politiques sociales meilleures, etc. Mais pour le marché, "better" est perçu comme ayant toutes les vertus et le coton qui n'est pas "better" est "bad", d'où la décote. Ceci a, d'ailleurs, pratiquement tué le coton équitable, Fair Trade, parce que les acheteurs perçoivent que "better" veut aussi dire équitable. Ce n'est pas très difficile d'avoir du "Better Cotton" car les critères sont beaucoup moins stricts que les critères du "Made in Africa" qui s'approchent plus du coton vertueux.

En Afrique, quel est le pourcentage de coton "Made in Africa" et de "Better Cotton" ?

La part du coton "Made in Africa" est relativement importante. Selon les pays, elle peut avoisiner les  40% contre 15 à 20% de "Better Cotton". En fait, c'est souvent du "Better Cotton Made in Affrica" car le "Made in Africa" est accepté comme étant du "Better". On peut dire que le coton "Made in Africa" a été phagocyté par le "Better Cotton" car il a obtenu une prime que le "Made in Africa" n'a jamais eue.

La plus grande opération de coton "Made in Africa" était en Zambie alors que ce pays avait le rendement le plus faible d'Afrique et les prix au producteur étaient parmi les plus bas, ce qui était du plus mauvais effet pour une opération  qui étaient sensée être dans l'intérêt des producteurs. Or,  tordant un peu les critères, ils ont fait passer  d'un seul coup tout le coton du Cameroun en "Made In Africa" alors que le pays, en culture pluviale, a le rendement le plus élevé d'Afrique subsaharienne et que le prix au producteur est parmi  le plus élevé. Ce qui permet de dire à certains que, grâce au coton "Made in Africa", les rendements ont augmenté.

Comment se positionne l'Afrique de l'Ouest ?

Il y a  des répartitions entre "Better" et "Made in Africa" selon les pays. Sénégal est "Better", une partie du coton de Côte d'Ivoire est du "Made in Africa", le Cameroun est complètement "Made in Africa" , le Mali a une partie de sa production qui est "Better" mais il n'a  pas de coton "Made in Africa".

 

 

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