Le marché du chocolat en pleine mutation

 Le marché du chocolat en pleine mutation
Partager vers

Les rapports et nouvelles portant sur le chocolat pleuvent en ce moment ! Des informations qui soulignent le dynamisme mais aussi les profonds bouleversements que connaissent actuellement la filière, l’industrie et les marchés.

Des marchés à essor variable

Tout d’abord, le chocolat et donc le cacao auraient de très beaux jours devant eux. Selon le dernier rapport de Technavio publié lundi dernier, le marché mondial de l’industrie du chocolat atteindra 8,51 millions de tonnes (Mt) en 2022 contre 4,5 Mt actuellement. Une demande qui serait essentiellement portée par une consommation de chocolat de haut de gamme particulièrement durant les périodes festives. En effet, notamment en Asie, on offre de plus en plus de chocolats en cadeau. Mais aussi, les consommateurs acceptent de plus en plus de payer un peu plus cher pour du chocolat de qualité : ce segment devrait d’ailleurs croitre à un taux de croissance annuel moyen de 7% sur ces quatre prochaines années, selon Technavio.

C’est l’Asie qui sera le marché le plus dynamique à l’avenir. En 2017 l’Europe, le Moyen-Orient (Middle East) et l’Afrique ont représenté 48% du marché mondial, mais Euromonitor voit les ventes de chocolat en Europe occidentale et en Amérique du Nord nettement se contracter en 2018. Ainsi, Mintel, la semaine dernière aussi, soulignait que l’Inde revient en force. Après +16,6% en 2014, le marché indien du chocolat a enregistré une croissance négative en volume de 1,5% en 2015 liée au prix élevés du cacao, estime le directeur de Mondelez Inde Anil Viswanathan, pour revenir à 4,8% en 2016 et renouer avec une croissance à deux chiffres en 2017, à 12,3%, selon le rapport de Mintel. A noter que la consommation moyenne par habitant en Inde est de 100 gr par an, 35% de la consommation étant urbaine.

Quant à Wise Guy Reports, l’étude publiée jeudi dernier fait état d’un marché mondial du chocolat qui progresserait de 5,8% par an sur les cinq prochaines années, pour atteindre $ 66 300 millions contre $ 50 000 millions en 2017.

La quête du chocolat vertueux

Le profil du marché change lui aussi. Tout d’abord, car le sucre devient l’ennemi n°1, comme l’a été la cigarette en son temps. Or, le sucre représente souvent, grosso modo, la moitié des composants d’une barre de chocolat. L’industrie du chocolat se transforme donc, certains préférant jouer la carte d’autres produits que les confiseries. Hershey s’investit davantage dans le popcorn et les pommes chips et a investi $ 1 milliard dans Amplify Snack Brands qui produit notamment des barres protéinées ; Mars, en novembre, a pris une participation dans les snacks santé ; Nestlé a vendu son segment confiserie aux Etats-Unis pour mieux se positionner sur des produits comme les eaux et le café. Rappelons que Nestlé s’est engagé à réduire de 30% son utilisation de sucre dans ses produits notamment grâce à une nouvelle technologie qui altère la structure du sucre mais pas son goût. Le génat suisse a créé en début d’année une nouvelle version de sa barre de chocolat blanc Milkybar : les Milkybar Wowsomes contiennent des céréales croustillantes d’avoine, une alternative aux barres chocolatées considérée plus saine pour les enfants, le premier ingrédient de cet encas étant le lait.

On constate aussi que le consommateur est prêt à payer plus pour du chocolat noir, de qualité, la tendance étant à l’innovation, comme en a témoigné le lancement en septembre dernier par Barry Callebaut de son chocolat rose Rugby. En janvier, un partenariat entre la Confédération Suisse et le secteur privé (Barry Callebaut Suisse, Chocolat Frey, Lindt & Sprüngli, Nestlé Suisse, Villars Maître Chocolatier, etc. ) a lancé la plateforme Swiss Sustainable Cocoa. Basée à Berne, elle a pour objectif  d’atteindre le seuil de 80% de produits cacaoyers traités en Suisse issus de l’agriculture durable. Cargill aujourd’hui a annoncé investir € 12 millions dans une nouvelle ligne de production de chocolat liquide dans son usine de Mouscron en Belgique afin de pouvoir répondre à la demande croissante de chocolats belges de qualité.

A noter que la Belgique sera le premier pays à être invité à la 9ème édition du Salon du cacao et du chocolat au Pérou, qui se tiendra du 19 au 22 juillet. Rappelons que le Pérou est le deuxième producteur mondial de cacao bio ; 20% de ses fèves exportées sont bio et équitables. Sur une production de 120 058 t, 83 206 t ont été exportées en 2017 générant $ 253 millions.

Le consommateur veut aussi davantage d’éthique, savoir d’où vient le cacao et dans quelles conditions il est produit. Tous les groupes industriels du cacao et du chocolat n’ont que le mot durabilité à la bouche lorsqu’ils parlent de cacao. Et ils y mettent les moyens. Mars a annoncé mois-ci y consacré $ 1 milliard.  

Le travail direct de la fève par le chocolatier, c’est chic

La façon de consommer change aussi. La tendance du chocolat artisanal suit les pas du café dans sa “troisième vague”, à savoir le développement d’artisans indépendants qui confectionnent leur propre chocolat, mettant en valeur une origine unique, travaillant en direct avec le producteur de cacao. Un produit de niche à haute valeur ajoutée. Car, rappelons que, habituellement, les chocolatiers achètent des produits transformés du cacao comme la poudre, le beurre, la liqueur auprès d’industriels dont le premier est Barry Callebaut.

Hier, le chef français Alain Ducasse  a annoncé ouvrir à l’automne sa première boutique dédiée au cacao à Londres. Depuis 2013, le chocolatier de renom torréfie sur place ses fèves avant de les travailler en barre chocolatées, en pralines et autres ganaches.

Côté Asie, l’essor est majeur et novateur aussi. A Singapour, Fossa Chocolate a été le premier à développer le concept “de-la-fève-à la-barre” -“bean-to-bar”,  transformant sur place les fèves en chocolat. Estimant que le marché singapourien est encore trop étroit, il exporte vers les Etats-Unis et Hong Kong ses précieux chocolats. Lemuel Chocolate, pour sa part, a ouvert en août dernier à Singapour après avoir travaillé 28 ans dans une industrie chocolatière en Malaisie ; il voulait, lui aussi, se lancer dans la fabrication artisanale du chocolat de qualité.

Quant à Ning-Geng Ong Lingam, fondateur de Chocolate Concierge à Kuala Lumpur, il estime que la prochaine étape sera de créer un “écosystème de planteurs, torréfacteurs et chocolatiers” qui participe à des événements et à des concours afin de sensibiliser les gens au chocolat de haut de gamme et du travail de la fève au produit final : chaque fournée de 10 kg de chocolat représente un mois de travail, confie-t-il au Business Times de Singapour. Une partie du cacao que Ning-Geng Ong Lingam travaille provient de ses propres plantations en Malaisie.

Des artisans qui, pour la plupart, n’entendent pas commercialiser leurs chocolats au travers des circuits habituels comme les supermarchés mais sur des circuits de niche et haut de gamme.

Autres Articles

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *